QUAND DÉESSES RIME AVEC SUCCESS …

Malgré quelques forfaits de dernière minute, elles étaient une centaine (102 exactement) à s’être donné rendez-vous ce weekend au Squash 95, à l’occasion de la cinquième édition des Déesses. Plus gros tournoi de l’année en France, cet évènement XXL est en train de devenir une date incontournable dans le calendrier du squash français. Récit en quelques chapitres.

IMG_3804UN TOURNOI PAS COMME LES AUTRES

Le tournoi des Déesses, j’en avais très souvent entendu parler, et j’avais bien compris qu’il était LE tournoi à ne pas rater pour de très nombreuses joueuses. En tant qu’« intégriste » du sport de compétition, avec je le reconnais une vision parfois élitiste des choses, j’étais un peu sceptique. Pas tant sur le succès de cet évènement, absolument incontestable, mais plutôt sur le fait que les résultats sportifs soient secondaires par rapport à tous les petits « à-côtés » proposés aux joueuses par le comité d’organisation (kit d’accueil, vente de bijoux, manucures, massages, ateliers bien-être et beauté etc.). Je me suis donc rendu sur place, parce qu’on m’avait gentiment invité mais aussi pour me faire ma propre opinion.

Alors oui peut-être qu’on connait le nom de la gagnante à l’avance. Peut-être que pour certaines ce qui se passe hors du court est au moins aussi important que les résultats de leurs matches (pas seulement toutes les prestations qui leur sont proposées, mais aussi les moments de partage avec des joueuses qu’elles n’ont pas vues depuis un an). Peut-être que voir des filles jouer tout en étant maquillées en tigresse, ça ne fait pas très sérieux. Mais au final, difficile de ne pas être admiratif. Rassembler plus de 100 joueuses, en provenance de toute la France, pendant 3 jours, c’est un véritable exploit. D’autant plus dans un contexte où la grande majorité des clubs ont du mal à avoir 8 filles pour leurs tournois. Si l’on tient compte de la différence du nombre de compétiteurs, c’est un peu comme si un tournoi masculin parvenait  à réunir 400 joueurs !

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Et lorsque certaines joueuses se laissent aller à quelques petits reproches sur le temps parfois trop important entre deux matches (compréhensible avec 102 joueuses pour 5 courts), elles s’empressent immédiatement de préciser que ce n’est pas grand-chose par rapport à tout ce qui est mis en place pour elles, et l’ambiance extraordinaire qui règne pendant trois jours. Au-delà de sa propre réussite, le Squash 95 est également une source d’inspiration pour les autres. J’ai même entendu un certain Nicolas Barbeau dire « lors du prochain tournoi à Angers, j’installe un stand de manucure ! » Il devra tout de même faire attention aux problèmes de planning. Alors qu’elle était en train de se faire peindre les ongles dimanche après-midi par les manucures Lydia, Mélissa et Andréa, la joueuse de Biganos Cécile Meyneng a été appelée à la fois sur le court pour disputer un match et pour une séance d’ostéopathe. Dure, dure la vie d’une participante au tournoi des Déesses …

LES CHRISTEL(LE)S AUX MANETTES

Elles ne sont évidemment pas seules, puisqu’elles ont été épaulées pendant le weekend par les très nombreux bénévoles de l’association et le juge-arbitre Yves Bourgon. Mais l’organisation du Tournoi des Déesses, elle repose en grande partie sur Christel Plotin et Christelle Michelot. « C’est sûr que c’est beaucoup de travail, des centaines d’heures de préparation. D’ailleurs si d’autres veulent venir nous rejoindre pour l’organisation, ils sont les bienvenus. Mais la récompense, c’est de voir des sourires sur le visage des joueuses, et aussi qu’il y ait encore autant de personnes s à la remise des prix après trois jours de compétition. » Même si l’évènement est incontestablement une énorme réussite, cela ne les empêche pas d’être ouvertes à la critique. « On ne vit pas dans le monde des bisounours, précise Christelle Michelot (rires). On est conscientes que 102 joueuses, c’était beaucoup, peut-être trop. Heureusement qu’il y a eu des forfaits avant le tournoi, parce qu’avec 120 ça aurait été compliqué. Je pense qu’à l’avenir on limitera à 96 joueuses maximum. » « On est victimes de notre succès, enchaîne son acolyte. Rassembler 100 joueuses, c’était un défi mais on ne le refera pas. Avec les tableaux progressifs et certains forfaits, certaines filles ont eu moins de matches que les autres. Or, on veut continuer à privilégier la qualité à la quantité. » Le succès, il fût également inespéré lors de la soirée du dimanche soir qui rassembla plus de 120 personnes ! « Quand on a vu qu’il y avait autant de monde, ça a été un peu la panique mais au final ça a été un incroyable moment de partage. »

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Même si le Tournoi des Déesses ne reçoit pas l’exposition médiatique qu’il mériterait (« on a contacté quelques médias, on n’a pas eu de réponse, précisent-t-elles »), la reconnaissance au niveau local est réelle. « La mairie nous soutient énormément, c’est notamment par leur intermédiaire que nous avons obtenu un sponsoring important. » Gilbert Derus, maire-adjoint chargé des sports de la commune de Saint-Ouen l’Aumône, était d’ailleurs présent lors de la remise en prix, en compagnie de Christian Causse, président du CDOS du Val-d’Oise et de Jean-Denis Barbet, président de la Ligue Île-de-France. Une remise des prix lors de laquelle la gagnante Coline Aumard a d’ailleurs rendu un vibrant hommage aux deux organisatrices, avant de leur remettre un maillot dédicacé de l’équipe de France féminine. On a même vu couler quelques larmes …

CÔTÉ COURT

Vous l’avez compris, au tournoi des Déesses il se passe autant de choses en dehors que sur le court. Et si pour certaines l’essentiel était de passer un weekend entre copines, il y en a d’autres qui étaient venues parce qu’elles ont rarement l’occasion de disputer autant de gros matches aussi rapprochés (16 joueuses du top 100 étaient présentes). Alors il y a eu la finale bien sûr. Même si la logique a été évidemment respectée, la Lorientaise Laura Paquemar a opposé une belle résistance à Coline Aumard. « J’avais déjà joué contre Chloé Mesic et Cyrielle Peltier, mais jamais contre Camille Serme ni Coline. C’était une très belle expérience, nous a confié la jeune joueuse Lorientaise. Je suis vraiment contente d’être venue, on est vraiment chouchoutées par l’organisation ! »

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Laura rentrait tout juste du championnat d’Europe junior en Suisse, où elle a terminé 21ème. « Un peu déçue, j’aurais voulu faire mieux. Au premier tour, je perds contre l’allemande Saskia Beinhard, 3 jeux à 0 mais le match a été accroché (18-16 11-9 11-6). » La prochaine grosse échéance pour la bretonne, ce sera le championnat de France U19 en octobre. Toutes ses rivales auront soit franchi la limite d’âge ou sont blessées (Laura Gamblin), elle sera donc grande favorite et aura l’occasion de décrocher son premier titre de championne de France pour son dernier tournoi en jeunes. « Mais je me méfierai des plus jeunes, par exemple Fanny Segers. » La demi-finale entre Paquemar, étudiante en histoire, et la revenante Faustine Gilles, était sans doute le match le plus attendu du tournoi. Véritable opposition de styles entre le jeu d’attaque instinctif de la lilloise, ancienne joueuse professionnelle, et le squash construit et réfléchi de la jeune bretonne, il a tenu ses promesses mais c’est Paquemar qui prit le dessus après deux premiers jeux très disputés.

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Âgée de 25 ans, Faustine Gilles disputait son premier tournoi depuis 2011, elle qui a mis le squash entre parenthèses « en raison de plusieurs blessures mais aussi pour me consacrer à mes études de kinésithérapeute. Coline m’avait parlé de ce tournoi et voulait absolument que je vienne. Donc comme ma copine le faisait aussi, je me suis inscrite (en dernière minute, Christel Plotin l’avait dans un premier temps mis sur liste d’attente, « mais quand je me suis rendu compte que c’était LA Faustine Gilles ancienne championne de France junior, je lui ai trouvé une petite place dans le tableau ! »). Même si j’ai pris énormément de plaisir ce weekend, je ne vais pas replonger dans la compétition, c’était juste un one-shot. » Pendant la remise des prix, Gilles confiera « son émotion d’avoir participé à ce tournoi, avec des filles de toute la France qui viennent partager leur passion. On se sent vraiment comme à la maison dans ce club. Je vous souhaite à toutes de continuer à vous éclater dans le squash, qui est un super sport et une grande famille. »

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D’autres joueuses ont brillé sur les courts de Saint-Ouen l’Aumône ce weekend. Notamment la représentante du club Océane Michelot, 5ème et « qui a fait un excellent match contre Laura Paquemar en quart de finale, selon sa maman Christelle. Je ne suis pas objective, mais je pense que c’est vrai (rires). » On peut également citer la Rouennaise Agnès Romain, qui a certes bénéficié du forfait de dernière minute de Maëlle Fuhrer (victime, ça ne s’invente pas, d’une chute dans sa salle de bains mais qui ne l’empêchera heureusement pas de défendre ses chances au championnat de France U17 le weekend prochain à La Rochelle). Mais après avoir écarté son ancienne coéquipière Christine Perez-Lesage en 1/8ème, la normande a prouvé que sa place dans le top 8 n’était pas du tout usurpée, en battant la mancelle Emmanuelle Le Brun (n°47 française). Mention également à une autre joueuse du Squash 95 Marine Mery. Éliminée par Faustine Gilles en 1/8ème de finale, elle remporte tous ses autres matches et termine 9ème alors qu’elle aurait sans doute pu prétendre à une place dans les 8 premières.

COLINE AUMARD, AMBASSADRICE DE RÊVE

Le tournoi des Déesses – et le squash féminin – ne pouvait pas rêver d’une meilleure ambassadrice que Coline Aumard. Présente pour la deuxième année consécutive, la n°2 française s’est donnée sans compter pendant 3 jours. Que ce soit sur et hors du court avec les autres joueuses, dans son rôle de coach avec la jeune Léa Sirabyan qu’elle entraîne à l’US Créteil, ou encore lors de la remise des prix. Qu’elle avait entamé par un « Je sais que je vais partir dans tous les sens, mais je ne vais pas me refaire.. » mais elle n’oublia personne lors d’un discours où les protagonistes passèrent des rires aux larmes… Les joueuses, Yves Bourgon le juge-arbitre, tous les bénévoles et bien sûr les organisatrices Christel Plotin et Christelle Michelot (« il faut se rendre compte du boulot qu’elles abattent pour organiser ce tournoi, c’est tout simplement dément ! »), tout le monde eut droit à ses remerciements. La vice-championne de France avouera même avoir été « stressée pendant la finale car je voulais bien faire devant vous ! Je suis fière de participer à ce tournoi, surtout ici au Squash 95 qui est plus qu’un club. C’était la première fois que je jouais contre Laura et sûrement pas la dernière, elle représente le futur de ce sport qui est juste magnifique. »

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Après cette parenthèse nationale le temps d’un weekend, Coline va maintenant reprendre son chemin sur le circuit professionnel (dès ce mardi, où elle s’est inclinée 3 jeux à 1 contre la numéro 1 mondiale Laura Massaro en rencontres par équipes en Angleterre). Elle admet y accomplir « sans doute la meilleure saison de (sa) carrière. Mais il n’y a pas eu de déclic, c’est le fruit d’un travail de plusieurs années. Ma blessure en 2014 a vraiment été une prise de conscience. Quand tu réalises que ça peut s’arrêter à tout moment et que tu n’as pas été au bout de l’aventure, ça fait gagner en maturité. » La joueuse de l’US Créteil, actuellement 33ème mondiale, est sur le point de rentrer dans le top 30. Depuis quelques mois, elle passe régulièrement les qualifications des PSA World Series mais est tombée sur deux joueuses du top 10 (Amanda Sobhy et Raneem El Welily) lors des deux derniers. « Ce qu’il me manque pour franchir le palier suivant, c’est d’affronter régulièrement des joueuses classées entre 10 et 30 sur les tournois. Il y a les championnats du Monde dans quelques semaines en Malaisie, je devrais être tête de série 7 ou 8 des qualifs et je vais tout faire pour intégrer le tableau principal pour la première fois. »

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Le dernier gros objectif de sa saison, ce sera ensuite le championnat d’Europe par équipes, début mai en Pologne. Vice-championnes d’Europe derrière les intouchables anglaises depuis deux ans, les bleues peuvent-elles rêver du titre ? « C’est sûr qu’on en parle souvent avec Camille (Serme). Philippe (Signoret, entraîneur de l’équipe de France), il y a toujours cru. Les anglaises ont toujours une équipe solide, mais l’exploit est possible. » En marge de sa carrière de joueuse professionnelle « qui ne me permet pas d’être indépendante financièrement, » Coline occupe depuis le début de l’année scolaire le poste d’agent de développement à la Ligue Île-de-France. Ses principales missions ? « Avant tout les jeunes, via des manifestations comme le KidExpo, et évidemment le squash féminin, qui me tient à cœur. C’est grâce à des évènements comme le Tournoi des Déesses qu’on arrivera à le développer. Il faut proposer des activités autour du squash lors d’un tournoi, avec des tarifs abordables. Par exemple, en Angleterre il y a des crèches dans les clubs ! Il faut aussi comprendre que les femmes n’ont pas forcément envie de faire de la compétition à tout prix, ce qu’elles veulent avant tout c’est se faire plaisir, voire pour certaines faire une activité physique afin de rester en forme. En tous cas, je remercie vraiment la Ligue de m’avoir proposé ce poste, car j’en avais besoin financièrement et ils n’étaient pas obligés de le faire. » Qu’elle se rassure : quand on voit la manière dont elle représente son sport, notamment ce weekend au Squash 95, ce petit coup de pouce elle ne l’a vraiment pas volé …

Article de Jérôme Elhaïk

Photos : Nicolas Barbeau

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